LE KINKELIBA ASSOCIATION D’AIDE AU DEVELOPPEMENT MEDICAL Lettre N° 33 – Janvier 2007 (extraits)
Du Dr Gilles DEGOIS à Mme Sadya GUEYE )
Que faisons-nous là-bas, au fond du Sénégal?
Pourquoi toute cette agitation autour d’une idée
venue un jour à quelques-uns d’entre nous de lutter
contre la mortalité importante des femmes en couches
dans cette région? Quelle est la légitimité de nos
actions dans un pays souverain doté de toutes les
structures de pouvoir pour remédier à une si difficile
réalité? Et que signifie-t-elle? Le nombre de femmes
mourant en donnant la vie est-il un chiffre plus significatif
que les PNB, PIB et autres indicatifs économiques
déterminant le niveau de développement
d’un pays? Très vraisemblablement oui, au moins
pour des médecins! En 2005, le Sénégal se plaçait au
157e rang sur 177 pays selon l’indice de développement
humain établi par le Programme des Nations
unies pour le Développement. Le pays ne se résume
pas à de magnifiques plages de sable fin pour touristes
en goguette... Alors des médecins et leurs amis
ont pensé tout simplement qu’il fallait aider, à la hauteur
de leurs moyens et en parfait accord avec les
autorités, ce pays à combattre cette réalité et tentent,
en agissant dans les domaines de la médecine,
de l’éducation et de l’agro-économie, d’être efficace.
L’efficacité, c’est réfléchir en stratège et agir en primitif,
c’est penser globalement et agir localement.
DOCTEUR GILLES DEGOIS
Les activités médicales
Quelque chose me tient particulièrement à coeur, car tu sais
que je suis dermatologue spécialisé en cancérologie ; les
albinos sont particulièrement exposés aux cancers de la
peau, nous allons développer un partenariat avec l’ANPRAS
(l’association des albinos du Sénégal) pour les surveiller
sur les plans ophtalmologique et cutané. Ils sont 380 inscrits,
leur président est à Tambacounda, j’en ai consulté 38 en
novembre dernier, il y a encore beaucoup de patients à examiner
et des interventions chirurgicales à prévoir dans les
mois qui viennent. Il faut leur inventer des vêtements pratiques
pour travailler dans les champs, mais très couvrants
pour la tête et la nuque (des cagoules), d’autres plus chics
pour les jeunes filles qui sont habillées trop décolleté et les
bras nus, et leur faire porter des jolis chapeaux et non des casquettes.
Cela, c’est ton job. Ce serait formidable que tu fasses
une ligne de vêtements pour eux ! Nous allons proposer de
monter un partenariat avec les laboratoires Pierre-Fabre,
l’Institut Gustave-Roussy (un des plus grands centres de
cancérologie en Europe) et un fabricant de lunettes de soleil.
Ce serait bien d’avoir les dermatologues sénégalais avec nous ...et toi bien sûr.
L’ANPRAS par Aboubakary Sakho
À travers cette belle initiative, et combien de fois si
importante et précieuse pour les Albinos, elle nous
fait réitérer au nom de l‘ANPRAS nos plus profonds et
sincères remerciements au Kinkeliba.
Tout en vous souhaitant un très bon retour à Paris,
au nom de l’ANPRAS, nous prions un très bon partenariat
qui pourra grandement contribuer à l’effort
de promotion socio-médical de la communauté albinos
au Sénégal.
Et encore une fois, vive LE KINKELIBA.
Aboubakary Sakho, président de l’ANPRAS
Alliance nationale pour la Promotion à la Réinsertion
des Albinos au Sénégal
Quartier Abattoirs B.P. 294
Tambacounda
Tél. : 981 15 38 – 980 17 71
Mobile : 642 91 14
E-Mail : arattfr2001fr@yahoo.fr

Procès-verbal : Journée de consultations
dermatologiques du 24 novembre 2006
L’an deux mille six et le jour du vingt-quatre (24) novembre,
s’est tenue à Tambacounda, et plus précisément à la Maison
médicale Pierre-Fabre de Wassadou, une journée de consultations
dermatologiques en faveur des albinos.
Étaient à l’ordre du jour :
1) Présentation et validation d’un partenariat durable et
fécond entre l’association le Kinkeliba et l’ANPRAS.
2) Consultations gratuites des albinos identifiés par l’ANPRAS.
3) Questions diverses.
Sous la coordination effective des responsables des deux
structures, les activités de la journée commencèrent par
une séance d’échanges sur la première question à l’ordre
du jour. En effet, dans le souci de matérialiser un partenariat
efficace, le docteur Gilles Degois a souhaité avoir une meilleure
connaissance de l’ANPRAS. C’est dans ce but que le président
du Kinkeliba a demandé: les statuts de l’ANPRAS, le contexte
de sa création, les difficultés que rencontrent les Albinos
au Sénégal sur le plan de l’insertion sociale et économique,
les réalisations de la structure, les projets.
Monsieur Sakho, président de l’ANPRAS, répond à ces différentes
questions et assure qu’il s’agit d’une structure légitime.
Il revient sur les objectifs et le contexte de création de
l’ANPRAS et avance que sa naissance avait fait suite à de
nombreuses analyses du contexte très difficile sur le plan
climatique, économique et social dans lequel les Albinos
sont contraints de vivre. Il ne faut pas oublier non plus les complications
auxquelles ils sont exposés de part l’absence de
mélanine dans leur peau: problèmes dermatologiques, ophtalmiques
et risques élevés de cancer.
Monsieur Sakho insiste sur le fait que le but est de sensibiliser
et d’informer les parents des cibles et la communauté
tout entière en menant un véritable « combat sur le terrain
». L’objectif visé à travers ces actions est d’assurer « un
lendemain porteur de bien-être pour les albinos ».
En ce qui concerne les réalisations de l’organisation, elles
restent nombreuses et multiples, et Monsieur Sakho se
réjouit d’avoir réussi à mener à quatre reprises des campagnes
de sensibilisation à travers toute la région orientale.
Il souligne qu’en dépit des faibles moyens, un programme
d’appui et de prise en charge scolaire des albinos est conduit
depuis six ans par l’ANPRAS, et ce, pour 84 enfants.
Ce résultat est un réel succès et il faut préciser qu’en parallèle
sept PME ont été créées (par exemple le centre informatique
de Tamba commune), toujours dans le souci de lutter
contre la situation de pauvreté dans laquelle se trouvent
les adultes albinos.
Après une esquisse des réalisations de l’ANPRAS, Monsieur
Sakho évoque aussi les principales difficultés rencontrées
par cette structure ; sur le plan matériel, manque crucial de moyens de locomotion pour mener à bien les activités
de sensibilisation sur le terrain ; sur le plan financier, il
rappelle que l’association ne bénéficie d’aucune subvention
de l’État (il est évident qu’en tenant compte de la situation
de pauvreté dans laquelle se trouvent ses membres, toute
cotisation éventuelle ne ferait qu’aggraver l’état de précarité
dans lequel ils sont déjà) et, par conséquent, les seules
ressources acquises afin de faciliter l’atteinte de ses objectifs
proviennent de partenaires extérieurs ; sur le plan médical,
difficultés pour trouver des appuis par rapport à la prise
en charge de la santé des albinos.
Le docteur Gilles Degois, après avoir écouté les propos du
président de l’ANPRAS, a tenu à lui assurer que le partenariat
envisagé serait viable et sur du long terme. Puis il a ajouté que
celui-ci ira de la prise en charge médicale à la dotation périodique
en produits solaire et divers.
Plus rien n’étant à l’ordre du jour, la séance fut levée à 12h42,
heure à laquelle furent démarrées les consultations.

Une consultation inhabituelle par le docteur Gilles Degois
Les hypomélanoses génétiques diffuses réalisent des leucodermies
généralisées atteignant le système mélanocytaire
de l’épiderme, des follicules pilaires et de l’oeil.
Les albinismes oculocutanés en sont le syndrome le plus
connu. Il s’agit de leucodermies généralisées à nombre normal
de mélanocytes qui se transmettent selon un mode
autosomique récessif. Des manifestations oculaires sévères
(iris translucide, photophobie, nystagmus, baisse de l’acuité
visuelle) s’associent à la dépigmentation cutanée. Il existe
deux formes d’albinisme oculocutané récessif qui correspondent
à deux mécanismes pathogéniques différents selon
que les follicules pileux ont ou non la capacité de former de
la mélanine en présence de tyrosinase. Ces albinismes sont
associés à une sensibilité très forte à la lumière solaire avec
inaptitude au bronzage et comportent un risque de carcinomatose
cutanée multiple.
Et voilà ! Moi qui arpentais depuis quelques années le
Sénégal en tous sens, libéré de ma pratique médicale de
dermatologue à tropisme oncologique, puisque les cancers
cutanés chez les Africains – les dermatologues les disent
mélanodermes – sont rares, me voici rattrapé par Internet
et Madame Alazard, amie du président de l’association des
albinos du Sénégal qui, comble de coïncidence, vit à
Tambacounda.
Bref 380 personnes atteintes d’albinisme
inscrites à cette association, probablement 800 personnes
porteuses de cette affection génétique au Sénégal d’après
les estimations de Monsieur Sakho, une gêne immense pour
ces gens sans pigment cutané pour les protéger d’un intense
rayonnement solaire et des troubles visuels majeurs.
J’ai donc pratiqué, avec l’aide de Jean-Pierre Rancoule,
une première consultation pour les 38 personnes atteintes
qui se sont présentées à Wassadou durant mon dernier
séjour en novembre. Des sujets de tout âge et des deux
sexes, un albinisme pratiquement total pour tous, avec seulement
quelques séquelles pigmentaires en étoiles du haut
du tronc, du visage et des avant-bras pour certains... et pratiquement
pour presque tous, même les plus jeunes, des
atteintes labiales inférieures à type de leucokératoses plus
ou moins transformées, et des atteintes cutanées poïkillodermiques
de la nuque et des avant-bras, c’est-à-dire des
patients exposés tôt ou tard à une évolution cancéreuse. Et
tous de présenter aussi des troubles oculaires qu’il va falloir
également explorer.
Que faire ? Protéger, surveiller, prévenir et soigner. Donc
éduquer et traiter. Port de vêtements de jour pour couvrir
tout le revêtement cutané photo exposé, lunettes de soleil
et chapeaux à larges bords indispensables, crèmes écran
total pour la protection du visage et du dos des mains. Alors
aidons à concevoir des vêtements adaptés, trouvons le
moyen de sensibiliser les opticiens pour les lunettes, récupérons
toutes les crèmes solaires.
Les dermatologues du Kinkeliba vont avoir du travail ; il leur
faut mettre en place un système de consultations régulières
en accord avec la direction de la Maison médicale Pierre-Fabre
et l’ANPRAS. Eux-mêmes et nos amis plasticiens devront
intervenir pour traiter et opérer les lésions cutanées évoluées.
Et les ophtalmologistes qui se préparent à venir à
Wassadou pour développer l’activité chirurgicale, prendront
en charge la surveillance ophtalmologique et les éventuels traitements.
Progressivement une grande partie de cette activité
sera confiée à nos confrères de la Maison médicale de
Wassadou. Et puis il va falloir réfléchir à la meilleure façon
de les aider, comme le demande monsieur Sakho, à surmonter
au mieux ce handicap majeur dans leur vie quotidienne.
Cette consultation très spéciale d’albinisme doit donner lieu
à un vrai travail scientifique. Je propose que le Kinkeliba
s’associe avec l’Institut Gustave-Roussy et les laboratoires
Pierre-Fabre pour mener à bien cette étude.